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C'est MA SERIE
par Olivier Joyard
La série américaine est devenue à ce point un genre mondial qu'on en a oublié qu'elle est avant tout américaine. On entend d'ici les petits malins chuchoter qu'avec ce genre de lapalissade, l'année commence mal. Mais non, 2008 commence bien. La preuve, NRJ12, chaîne sautillante de ce qui sera bientôt le lieu de pouvoir absolu à la télévision française (la TNT), diffuse Friday Night Lights depuis mercredi dernier. Il s'agit donc d'une série américaine. Totalement américaine, mais pas au sens où on l'entend ordinairement - efficace, grand public ou maligne. Ici l'Amérique est prise à la source dans sa bêtise et sa grandeur mêmes, comme une pure question de géographie, de moiteur de l'air, de couleur des vêtements. Vous avez dit roots?
TOut se déroule dans la circonférence limitée d'une petite ville du Texas, Dillon, dont il est clair dès les premières images du premier épisode qu'il n'y a pas grand-chose à y foutre. Sauf assister, le vendredi soir, au match de football américain de l'équipe du lycée local.
Un événement diffusé à la télévision, et qui, en plus de remplir le stade, mobilise dans tous les bars et sur tous les canapés à quinze bornes à la ronde. La vie de l'équipe, de son coach, ses joueurs, ses cheerleaders et tout leur entourage fournissent, en plus des matchs, la base dramaturgique d'épisodes rythmés par le contraste entre montées d'adrénaline et retombées blues, après la bataille. Les non-amateurs de foot US (99.9% de la population française) pourront se laisser impressionner pae la novlangue à peu près incompréhensible qui préside à certains dialogues. Il leur faudra dépasser cette frustation.
A défaut d'être mondiale, Friday Night Lights est donc une série viscéralement locale. Ce qui ne signifie pas qu'elle ne nous passionne pas. Car locale veut dire ici qu'elle s'attache avant tout aux visages, aux corps et aux gestes de ses personnages, la plupart issus de cette frange fondamentale de l'univers américain, les white trash, dits aussi trailer trash, soit les Blancs prolos qui occupent le bas de l'échelle sociale en compagnie des Noirs. Le principal intérêt de la série vient de sa précision et de sa douceur pour décrire un mode rude, où la beauferie ordinaire se mêle aux relents racistes. Tout y est poisseux, sombrement sexy, rugueux. C'est "In the Mood for Texas", en quelque sorte, un chant d'amour contrarié et aux visées documentaires, pour un monde en loques. L'incursion d'éléments étrangers à la communauté dominante, un nouveau joueur black en l'occurence, achève d'éclairer la problématique de l'ici et l'ailleurs qui règne sur Friday Night Lights : comment sortir de soi, quand on est joueur, coach, parent, amoureux, blanc, bushien, rayez la mention inutile, comment regarder au-delà du seuil de son jardin pourri. L'ensemble n'est pas dépourvu de lourdeurs sentimentales, mais, très vite, c'est l'atmosphère qui l'emporte, et attire inexorablement notre oeil (charmé) et notre coeur (de pierre).